Mes ancêtres Raymond VI et Simon de Montfort dans la tourmente de la croisade des Albigeois
Préambule
Raymond VI et Simon de Montfort sont tous les deux mes ancêtres, Raymond par son fils naturel Bertrand, Simon par sa fille Amincie (voir ci-dessous). J’ai recherché leur histoire et ceci m’a immanquablement conduit à m’intéresser aux cathares. Dans ce domaine, Raymond et Simon, on peut dire que tout les oppose.
De nombreux ouvrages traitent des cathares. Les livres sont trop romancés ou trop documentés pour intéresser un large public. Sur Internet on trouve de tout, du bon et du moins bon, mais souvent très incomplet et trop caricatural. D’autre part, on observe des différences et même des contradictions sur lesquelles j’ai dû me positionner. D’où l’idée de ce petit article où je vais essayer de donner l’essentiel et aussi de me concentrer sur ces deux personnes citées plus haut : Raymond VI, comte de Toulouse et Simon de Montfort qui fut aussi un temps comte de Toulouse.
Petit
rappel généalogique. (voir
mon ascendance pour plus de détail)
Raymond
VI de TOULOUSE, dit
« Le Vieux », est né le 27 octobre 1156 et est décédé le 7 août
1222 à Toulouse (31). Ses titres sont : margrave de Provence, comte de
Toulouse (1194-1222) et Seigneur de Laurac (1211-1213),
Il
s’est marié six fois. Ses femmes sont dans l'ordre : Ermessinde la Grande
Vicomtesse de NARBONNE-PELET, Béatrix TRENCAVEL, Burgondie de Chypre, Jeanne
d'ANGLETERRE PLANTAGENÊT, alias Jeanne Reine de Sicile dont est né Raymond
VII, Béatrice COMNÈNE, princesse de Chypre, Éléonore d'ARAGON, née
en 1182.
N'oublions
pas la relation hors mariage dont sont issus :
-
une fille Guillemette, ou Indie.
-
un garçon Bertrand qui est mon ancêtre à la 23e
génération. Avec son père Raymond VI et son demi- frère Raymond VII
comte de Toulouse, il participe à la guerre des Albigeois. Nous allons y
revenir dans la suite de cet article.
Simon
IV de MONTFORT est né
vers 1165 et décède le 25 juin 1218 au siège de TOULOUSE (31). Il est inhumé
vers 1220, à Montfort-l'Amaury (78). Marié avec Alix de Montmorency. Il est
comte de Leicester et de Montfort-l’Amaury, Seigneur de Montfort-l'Amaury,
Seigneur de La Celle-Saint-Cloud, de Conflans-Sainte-Honorine, d'Épernay de
Gandon de Houdan, de Méré, de Montchauvet, de Saint-Léger et de Sonchamp, Les
titres suivants lui sont attribués à la suite de son action dans la croisade
des Albigeois : vicomte de Carcassonne (1209) vicomte de Béziers
(1209-1218), comte de Toulouse (1214-1218), duc de Narbonne seigneur de Laurac
(1211-1211), seigneur du château d'Albi, seigneur de Lavaur (1211-1218).
Sa
fille Amicie de MONTFORT, née vers 1200, décédée en 1253 est mon ancêtre à
la 24e génération.
Mariée avec Gaucher Ier de JOIGNY, seigneur de Château-Renard
La
progression de l’hérésie
Sur les croyances de ceux qu’on a appelés plus tard cathares, je ne m’étendrais pas, car elles sont très controversées. Disons seulement qu’ils ne croyaient pas à la rédemption et à la transsubstantiation (présence réelle), et pensaient que le Dieu de l’Ancien Testament n’en était pas un ou n’était pas le bon. Cela est largement suffisant pour les considérer comme hérétiques. Ainsi, des hérétiques sont signalés dans le Languedoc dès le début du XIe siècle. Mais il faut attendre le milieu du siècle suivant pour parler vraiment d’une réelle expansion. En 1145, les prédications anticléricales du moine Henri sur les terres du comte Raymond VI déclenchent la première riposte par la venue de l’abbé de Clairvaux, Saint-Bernard. La situation est considérée critique lors du concile de Tours en 1163 après que les déclarations des évêques du Midi aient déclaré que l’hérésie se développait « à la manière d’un chancre ». Dans la conférence tenue dans le castrum de Lombers en 1165, (dans le Tarn et non Lombez dans le Gers) entre les deux parties «: clergé et cathares », la condamnation des hérétiques ne modifiera pas la situation. Le concile cathare de Saint Félix Lauragais en 1167 conduit en quelque sorte à l’apparition d’une véritable contre-église avec : « une organisation territoriale, une hiérarchie et une orientation doctrinale », et cela ne pouvait être accepté. Le comte Raymond V qui est soucieux de se débarrasser de l’hérésie fait appel au roi Louis VII en 1177, mais celui-ci préfère envoyer sur place les hommes d’Église. Jusqu’à la fin du siècle, les problèmes qui surgissent en terre Sainte détournent l’attention et l’élection du pape Célestin III, en 1191, à l’âge de 85 ans n’arrange rien. L’hérésie, très présente dans le Lauragais et l’Albigeois, se répand dans le Carcasès, le Razès, le Termenès et le Minervois. En 1180 Philippe Auguste succède à Louis VII, et en 1194, Raymond VI succède à son père.
La
reprise en main d’Innocent III
En janvier 1198, Lothaire
Conti est élu pape à 38 ans, il choisit de s’appeler Innocent III. Dès son
élection, il envoie deux légats dans le Languedoc les moines cisterciens
Rainier et Guy. Rien de bien important n’est entrepris contre l’hérésie,
mais le pape est informé de ce qui se passe. Avec la nomination en 1203 d’un
nouveau légat Pierre de Castelnau, moine cistercien à l’abbaye de
Fontfroide, la lutte contre l’hérésie se met en place. Dans un premier
temps, on s’occupe des prélats incapables de combattre l’hérésie. En
particulier, l’évêque de Toulouse Raymond de Rabastens est contraint à la démission
et remplacé par Foulques, ancien troubadour converti, qui sera très percutant
contre l’hérésie.
La
campagne de prédication entreprise, notamment par Dominique de Guzman, pour
combattre l’hérésie donne quelques résultats ponctuels. On peut citer au
printemps 1207 un colloque dans le castrum de Montréal, haut lieu de l’hérésie,
où 150 assistants furent tellement ébranlés par les arguments catholiques
qu’ils abandonnèrent l’hérésie. Ce début de redressement va être remis
en cause, car aux préoccupations spirituelles vont se mêler des objectifs
temporels. En effet dès 1199, en plus de l’anathème à l’égard des hérétiques,
la décrétale « Vergentis in senium » promulguée à Viterbe
donne une formulation canonique de la dépossession. L’Église s’arroge le
droit de disposer des terres des hérétiques. Dès 1204, Innocent III insiste
auprès du roi Philippe Auguste pour qu’il prenne la tête d’une armée
d’intervention. Le roi ne donne pas suite.
Raymond
VI excommunié
Raymond VI était catholique et fit tout au long de sa vie des donations aux abbayes, mais il tolérait sans problème les hérétiques sur ses terres et même dans son entourage immédiat. Par une lettre du 29 mai 1207, Innocent III adresse de violents reproches à Raymond VI :
« … Vous n’avez pas honte de violer le serment par lequel vous avez juré de chasser les hérétiques de votre fief. etc. ».
Pierre de Castelnau va plus loin, il menace :
« …Nous vous ferons enlever vos domaines …nous dresserons contre vous les princes voisins etc. ».
À l’aube du 14 janvier 1208,
Pierre de Castelnau fut assassiné par un écuyer du comte. Raymond VI est accusé,
déclaré coupable et condamné par le pape : « Des indices
certains font conjecturer que le comte est responsable de la mort du saint
homme. etc. ». Innocent III décide alors de lancer la croisade destinée
« à détruire tout ce qui résisterait de Montpellier à Bordeaux ».
Mais les réticences et les tergiversations du roi Philippe Auguste empêchent
la croisade de se mettre en marche. Le roi, du bout des lèvres, finit par
donner l’autorisation « à ses vassaux à partir dans la province de
Narbonne pour y combattre ceux qui troublent la paix et la foi ».
Parmi eux, il y a trois grands barons : les contes de Nevers, de Bourgogne
et de Saint Pol et d’autres barons de moindre importance. L’armée se forme
alors sous les ordres du légat du pape Arnaud-Amaury. Raymond VI est excommunié
au concile de Montélimar, qui le convoque à Saint-Gilles berceau des comtes de
Toulouse.
L’humiliation
de Raymond VI
C’est
ainsi que pour éviter la guerre, en présence de grands seigneurs du Nord attirés
par l’odeur du sang et l’appât du butin, Raymond VI fait amende honorable
à Saint Gilles le 18 juin 1209 devant le légat du pape
Milon, entouré par plusieurs évêques. Au cours de cette cérémonie, suivie
par une nombreuse assistance, le comte, pieds et torse nus, jure sur les évangiles
d’obéir à l’Église romaine et aux ordres des légats. Il promet également
de restaurer les couvents et les abbayes, de chasser les juifs et de combattre
les hérétiques. Le 22 juin, Raymond VI demande de prendre la croix et le 2
juillet il rejoint la croisade qui a comme chef le légat Arnaud-Amaury, mais
qui compte dans ses rangs un baron d’Ile de France, Simon de Montfort, homme
intelligent, courageux, mais aussi ambitieux et dénué de scrupule.
Massacre
de Béziers
Le
21 juillet 1209, les autorités de Béziers refusent de livrer les 222 hérétiques
demandés par les croisés. Le lendemain, les croisés (Raymond VI en fait
partie, mais ne participe pas), pénètrent dans Béziers pourchassent les
habitants hérétiques et catholiques sans distinction et se livrent à un
horrible massacre. Lorsque les croisés demandent à l’abbé de Citeaux
comment distinguer les catholiques des hérétiques, il répond : « Tuez-les,
Dieu sait bien qui sont les siens ». Les légats dans leur rapport au
pape indiquent : « Les nôtres ont fait périr par l’épée à
peu près vingt mille personnes ». Ce chiffre est conforme à
d’autres sources. D’après le rapport des légats, l’exemple de Béziers
porta ses fruits, car plus de cent bourgs fortifiés ou châteaux furent désertés
par leurs habitants.
Chute
de Carcassonne
Quelques jours après, c’est le tour de Carcassonne. La cité défendue par le vicomte Raymond-Roger Trencavel est dite imprenable, mais les assiégés vont rapidement manquer d’eau. La médiation du roi d’Aragon Pierre II échoue. Alors, un parent de Trencavel, Pierre de Courtenay (ou son frère Robert), se présente et lui promet de le conduire en toute sécurité pour discuter avec les croisés. Mais lorsqu’il se présente dans le pavillon d’Hervé de Donzy, comte de Nevers, on lui signifie qu’il est prisonnier tant que la ville ne se rendra pas. Une vieille tradition indique que les habitants quittent la ville la nuit sans être inquiétés. D’autres sources indiquent qu’on laisse sortir les habitants « nus », c'est-à-dire les hommes en braies[1]], les femmes en chemise, abandonnant aux vainqueurs :
« tous leurs biens, leurs champs, leurs armes, leur bétail, leurs épargnes, leurs vignobles et tout ce que renfermait cette vieille cité ».
Le légat met le vicomte
aux fers le 15 août et croit-on le fait assassiner le 10 novembre 1209. Après
le refus des comtes de Nevers et de Saint-Pol et du duc de Nevers, c’est
finalement à Simon de Montfort qu’est attribuée la vicomté de Carcassonne.
Ancien vétéran des croisades en Terre Sainte, et s’étant distingué par ses
qualités militaires et sa grande droiture lors des combats récents, il méritait
bien cette nomination. Mais le fait important, c’est que Simon de Montfort est
désormais le chef de guerre, « le général en chef ». Effrayés
par les évènements de Béziers et Carcassonne, plusieurs vassaux de Trencavel
se soumettent ou abandonnent leurs terres : Limoux, Castelnaudary, Laurac,
Alzonne, Montréal, Saissac, Fanjeaux, Castres, Lombers et Albi..
Le
premier siège de Cabaret.
Pourtant
Montfort va échouer devant Cabaret. La cité est défendue par le seigneur
Pierre-Roger de Cabaret. Après trois jours de siège, le lion des croisades est
obligé de partir. Bouchard de Marly, l'un des assiégeants et proche parent de Simon
IV de Montfort est même fait prisonnier. Le
château de Cabaret devient le symbole de la liberté où se réfugient beaucoup
de cathares.
Concile
d’Avignon.
Convoqué
le 12 septembre 1209 pour d’autres motifs, le concile prononce la première
excommunication des consuls toulousains et une nouvelle pour Raymond VI. Le
comte décide de défendre sa cause auprès du pape, de l’empereur Othon et du
roi de France. Comme il est d’usage avant un si long périple, il rédige son
testament. Dans celui-ci, daté du 20 septembre, il fait de son fils légitime
Raymond, qui n’a que douze ans, son héritier et successeur. Mais il
n’oublie pas ses enfants naturels, Bertrand à qui il donne les châteaux de
Caylus et Bruniquel et Guillemette à qui reviendra ce qu’il possède à
Montlaur et à Saint-Jory. Durant l’hiver, le Languedoc se ressaisit et à la
fin de 1209, Simon a perdu quarante places.
Début
1210, à Rome, Raymond VI se réconcilie avec le pape qui établit avec lui un
modus vivendi.
Au
mois de mars 1210, des renforts arrivent avec Alix de Montmorency, la femme de
Simon. Dès lors, Montfort s’emploie à récupérer les places, réoccupation
d’Alzonne, reprise de Montréal et la plus horrible, la prise de Bram, où
Simon fait crever les yeux et couper le nez de cent prisonniers. Ceux-ci sont
amenés pour impressionner les défenseurs lors du deuxième siège de Cabaret où
Pierre-Roger négocie sa liberté et celle des siens en échange de Bouchard
prisonnier lors du premier siège. Et en juin 1210, le siège de Minerve se
termine par une reddition. Cent quarante cathares préfèrent le bûcher plutôt
que de renier leur foi. En novembre de cette même année, le château de
Thermes est pris après 3 mois de siège.
Au concile d’Arles, en février 1211, des conditions très dures sont édictées contre Raymond VI :
« on exige qu’il chasse les hérétiques et leurs alliés, et aussi qu’il livre ses propres terres et seigneuries qui ne lui seront rendues que lorsqu’il plaira au comte de Montort ».
Il
refuse et est excommunié. Il s’agit d’un tournant, Raymond VI envisage de défendre
ses États par les armes.
Siège
de Lavaur
Le
combat direct entre Raymond et Simon entre dans sa phase active. Au printemps
1211, après la prise des châteaux de Minerve et Thermes, a lieu le siège de
Lavaur défendue par la châtelaine Guirande de Lavaur. Son frère Aimery de
Montréal vient l’aider avec quatre-vingts chevaliers. Les assiégeants font
une brèche et le massacre commence. Aimery est pendu ainsi que ses
quatre-vingts chevaliers. Guirande est jetée vivante dans un puits qui est
comblé de pierre, puis les croisés dressent un bûcher sur lequel ils font périr
quatre cents cathares. Au cours de ce siège, Raymond VI va exercer un double
jeu. Il rencontre Montfort pour reculer l’échéance, mais en parallèle il
envoie des renforts dont Raymond de Ricaud et un certain nombre de chevaliers.
Premier
siège de Toulouse.
Juste après le bûcher de Cassès, où 80 cathares périssent, le 17 juin 1211, les croisés attaquent Toulouse. La ville est bien défendue par Raymond VI aidé des troupes du comte de Foix et du comte de Comminges. Simon de Montfort est contraint de lever le siège dès le 29 juin après que Hugues d’Alfaro ait semé la dévastation dans son camp. Seul point négatif, deux cents morts sur le terrain dans chaque camp et un prisonnier, mon ancêtre Bertrand, fils naturel de Raymond VI. Il obtint plus tard sa libération, moyennant une rançon de mille sous, plus son armure.
Après
ce siège, Montfort s’en va guerroyer sur les terres de Foix où comme l’écrit
le poète Guillaume de Tulède « l’armée pille, ravage, fait tout le mal
possible, etc. ». Ensuite, après avoir résisté à Castelnaudary, Simon
reçoit de puissants renforts et reprend une à une les places du Lauragais, de
l’Agenais et de l’Albigeois qui s’étaient soustraites à son autorité.
Citons entre autres en mai 1212 : Avignonet, Montferrand, Saint Félix de
Caraman, Puylaurens, Cuq-Toulza, Rabastens, Montégut, Gaillac, La Guépie. En
juin, c’est au tour de : Saint-Antonin, Marmande, Saint-Gaudens, Samatan,
Verdun-sur-Garonne. Enfin, en décembre, Castelsarrasin est prise, reddition de
Moissac qui se solde par le massacre de quatre cents malheureux, Auterive est
incendiée et Hautpoul subit un siège de quatre jours qui se termine par le démantèlement
du château. Mais, une action particulièrement abominable se passe lors de la
prise du château de Biron. Martin Algaï, seigneur de Biron, est accusé
de trahison pour avoir fui l'armée des Croisés à la bataille de St Martin de
Laude. Livré par ses hommes contre vie sauve, Martin
Algaï est traîné à la queue de son cheval hors des remparts et pendu
dans un pré.
Intervention
de Pierre II d’Aragon.
Raymond
VI rend visite à Pierre II. Y a-t-il un rapport, mais en octobre 1212, celui-ci
envoie deux ambassadeurs auprès du pape, dont il est le vassal. Le roi d’Aragon
se dit lésé par la conquête des terres de Foix par les croisés, alors que
celles-ci ne sont pas dans sa mouvance. Il demande l’arrêt de la croisade. Le
poète laisse le comte donner les « vraies ? » raisons de son intervention :
"
Puisque
le comte de Toulouse est mon beau-frère, ayant épousé sa sœur, et que j’ai
marié mon autre sœur à son fils, j’irai à leur secours contre cette gent
qui veut les déshériter."
Le
pape lui donne gain de cause, mais attend la mi-janvier 1213 pour notifier
l’arrêt immédiat de la croisade. C’est trop tard, les lettres se croisent.
Au concile de Lavaur, le 21 janvier 1213, les prélats ont rédigé un rapport
à l’adresse d’Innocent III qui contient un sévère réquisitoire contre
Raymond VI.
Mais,
coïncidence ou pas, quelques jours après, le 27 janvier, Pierre II reçoit le
serment de Raymond VI
« remettons
en votre main et votre pouvoir … nos propres personnes ainsi que la cité et
le bourg de Toulouse et la ville de Montauban avec toutes leurs appartenances
etc. ».
Peut-on
dire alors qu’un État languedocien-catalan vient de naître ?
Le
résultat de tout cela : le 21 mai, à la requête des croisés le pape
relance la croisade et demande au roi d’Aragon de rompre son alliance avec les
barons occitans. Pierre II est désormais contraint de choisir.
L’épreuve
de force : la bataille de Muret
Muret,
dont s’est emparé Montfort est défendue par tout juste 30 chevaliers et
quelques fantassins. Le roi d’Aragon a choisi, il vient aider Raymond VI a
reconquérir la ville. Fin août 1213, les armées de Pierre II franchissent les
Pyrénées en divers points et la jonction s’effectue près de Muret. Les armées
de Toulouse, Comminges et Foix rejoignent celles de Pierre II le mardi 10
septembre. Pour Montfort Muret est un nid de croisés aux portes de Toulouse
qu’il faut absolument défendre. Informé du danger, il se dirige vers Muret où
il arrive le mercredi soir. Les troupes aragonaises sont supérieures en nombre,
mais elles sont dotées d’un commandement à plusieurs têtes manquant de cohérence.
Les versions divergent sur le déroulement des combats, mais le résultat,
c’est une grande victoire des croisés. Elle se solde par la mort de Pierre II
et de grosses pertes des coalisés lors de leur retraite.
"…grands furent le deuil et la désolation. On dit que l'ensemble des morts fut de quinze mille, et qu'il n'y eut pas une maison où on ne pleurât la perte d'un homme "
Après
la campagne de dévastation du pays toulousain et après Muret, pourquoi
Montfort n’en profite-t-il pas pour faire à Toulouse même une démonstration
militaire ? Les historiens n’ont pas trouvé de raison vraiment valable.
Montfort préféra ravager le pays de Foix.
Le
comte règle ses comptes
Baudouin,
le demi-frère de Raymond VI, s’est rallié à Simon de Montfort depuis fort
longtemps. D’après Guillaume de Puylaurens, « c’est sur le
pernicieux conseil du fils du comte de Foix, de Bernard de Portella et de
quelques autres » que Raymond VI condamna à mort son demi-frère,
« pour venger le roi d’Aragon ».
La
soumission
Raymond
VI ne peut plus compter que sur lui-même. Il veut partir auprès du pape « porter
sa plainte » dit le poète, tandis qu’il confie aux capitouls la tâche
de négocier avec les vainqueurs. C’est avec le nouveau légat du pape Pierre
de Bénévent, le 25 avril 1214, qu’ils prêtent serment de ne pas fournir
d’aide au comte de Toulouse ni à son fils. Parmi ces capitouls figure
Jourdain de Villeneuve mon ancêtre de la maison de Villeneuve. Cent vingt
otages pris parmi les notables toulousains, assignés à résidence à Arles,
leur furent remis. Peu de temps après, ce fut Raymond VI lui-même qui vint se
soumettre :
N’étant
contraint ni par ruse ni par fraude, je vous livre, seigneur cardinal, ma
personne et tous les domaines que j’ai possédés autrefois et que je confesse
avoir entièrement donnés à mon fils Raymond etc.
L’achèvement
de la conquête
Simon
de Montfort poursuit ses conquêtes en Quercy, Périgord et Rouergue. La
résistance est plutôt faible, souvent les croisés ne trouvent âme qui vive.
Citons cependant l’opposition lors du siège de Casseneuil qui dura pas moins
de sept semaines. Le poète décrit la fin du siège :
"
Les
nôtres entrèrent de force, mirent le feu, incendièrent la ville et passèrent
au fil de l’épée tous ceux qu’ils purent trouver."
Heureusement,
les routiers prirent peur et il est probable qu’ils firent une sortie nocturne
par une poterne et un petit pont sur la Lède.
Concile de Montpellier et de Latran
Le
concile de Montpellier en janvier 1215 impose Montfort comme chef unique du pays
conquis sur l’hérésie. Au printemps le prince Louis de France, le futur
Louis VIII, sous couvert de croisade vient en observateur. Début juin accompagné
de Simon de Montfort et du cardinal légat, il entre dans Toulouse abandonnée
par Raymond VI et les siens. Au
concile de Latran, le pape Innocent III avait quelques réticences, mais suite
au réquisitoire de Foulques évêque de Toulouse, le 14 décembre 1215, dans la
sentence sous forme de bulle, il stipule
Que
tout le pays conquis par les croisés sur les hérétiques, leurs croyants,
fauteurs et receleurs, avec Montauban et Toulouse, qui est la ville la plus
corrompue par la souillure hérétique, etc. soit remis et concédé au comte de
Montfort, homme courageux et catholique, etc.
Montfort
prend le titre de Comte de Toulouse, mais que peut-il, que va-t-il en faire ?
Philippe Auguste, mis devant le fait accompli, reconnaît Simon comme son
nouveau vassal. Les terres provençales sont mises en réserve à l’intention
de Raymond le Jeune, le fils de Raymond VI.
Prise
de possession
Dédaignant
les conseils de son entourage, Simon se rend à Toulouse pour recevoir
l’hommage de la ville à son nouveau comte. Les Toulousains se révoltent, car
leur cœur appartient à Raymond le banni.
Un
peu plus tard, en août 1216, c’est le fils de Raymond VI « Raymondet »
qui se distingue. Beaucaire, qui est assiégée, fait appel à lui. Pour dégager
sa petite garnison, Simon de Montfort accourt. Contre la vie sauve de ses
hommes, il doit abandonner le siège.
Deuxième
siège de Toulouse
En
septembre 1217, après avoir rassemblé une armée et des chevaliers faydits,[2]
Raymond VI de retour de son exil aragonais se dirige vers Toulouse. Rejoint par
les comtes de Foix et de Comminges, il évite les garnisons laissées par
Montfort et entre dans Toulouse sous les acclamations de la foule. Alix de
Montmorency, restée en Château-Narbonnais, ne peut empêcher l’entrée de
l’armée, mais envoie des messagers à Simon et à Guy de Montfort. Après
l’échec de deux assauts successifs, Simon de Montfort doit se résigner à un
siège qui promet de durer longtemps. De part et d’autre se construisent des
pierriers et des mangonneaux. L’hiver se passe avec un seul assaut de Simon de
Montfort, infructueux. Toulouse est trop grand et trop bien défendu pour être
pris d’assaut. La situation s’enlise avec des attaques de part et d’autre
sans résultat. Jusqu’au 25 juin où les Toulousains tentent une sortie pour détruire
une tour de bois que Simon avait demandé de construire pour prendre la ville.
La mêlée est sanglante, lorsque Simon aperçoit son frère Guy tomber. Il va
le secourir. C’est alors qu’il reçoit sur la tête une énorme pierre lancée
d’un mangonneau toulousain. Il est tué sur le coup. Amaury VI de Montfort,
son fils aîné, prend immédiatement la direction des opérations. L’équilibre
des forces s’est inversé : Raymond VII est un brillant guerrier et les
seigneurs occitans se ressaisissent. Le
dernier assaut du 1er juillet 1219 est un nouvel échec. Le moral des
troupes croisées est au plus bas. Sur le conseil de son oncle Guy et de ses
barons, à contrecœur, il lève le siège de la ville le 25 juillet. Amaury échouera
à nouveau contre Toulouse le 1er
juillet 1218. Le prince Louis, le 16 juin 1219 n'aura pas plus de succès.
Quarante jours après le début du siège de Toulouse, Louis lève le camp
devant la forte opposition du comte Raymond VII.
La fin
Après
de multiples échecs, Amaury de Montfort signe sa capitulation le 14 janvier
1224 entre les mains des comtes de Toulouse et de Foix. Amaury
de Montfort a mis 6 ans à perdre tout ce que son père avait mis 6 ans à conquérir.
Entre temps, Raymond VI s’est
éteint en 1222. Ainsi, au terme de 15
ans d’une guerre extraordinairement mouvante et de 15 ans de deuils et de
destructions, la première croisade contre les Albigeois était vaincue.
La suite et la fin des cathares font juste l’objet d’un très court résumé
dans l’épilogue.
Épilogue
Honorius
III, successeur d’Innocent III, supplie Louis VIII d’intervenir. Le
roi sent que le Midi est
affaibli, que les protagonistes sont fatigués et
prend la direction d'une deuxième croisade en 1226. Les villes se soumettent
avant l’arrivée des croisés, sauf Avignon qui résiste trois mois. La mort
du roi le 3 novembre 1226, ralentit la progression. Mais, aux environs de Pâques
1228, Baujeu, le chef des troupes royales reçoit des renforts. Il a la sagesse
de ne pas s’attaquer directement à Toulouse, mais dévaste les abords de la
ville. Cette politique de la terre brûlée ruine l’économie de la région et
Raymond VII doit se soumettre lors du Traité de Paris le 12 avril 1229. Il est
contraint de marier sa fille unique Jeanne avec Alphonse de Poitiers, frère de
Louis IX, et même en cas de descendance ou de remariage de Jeanne, le comté
reviendra au roi. Ainsi, le comté de Toulouse sera rattaché à la Couronne en
1271. En ce qui concerne l’Église cathare, en 1226, elle se retrouve plus
forte qu’en 1209. L’inquisition du Languedoc voit le jour en 1233 sous la
houlette de quelque quatre-vingts inquisiteurs, dont le terrible inquisiteur de
Toulouse Bernard Gui. Le 16 mars 1244, les 220 personnes du bûcher de Montségur
ne mettront pas un terme définitif au catharisme. Il faudra attendre 1350 pour
qu’il soit complètement éradiqué.
Le
pog de Montségur
Bibliographie :
La
croisade albigeoise de F de Lannoy et J Labrot Ed Heimdal
L’épopée
cathare ou La guerre des Albigeois t
2 de Florentin Decos Ed Delboy Toulouse et Ed Amyot Paris
La
chanson de la croisade traduction de Henri Gougaud Ed Berg
L’épopée
cathare tome 1 et 2 de Michel Roquebert Ed Privat
Les
comtes de Toulouse de Roger Genty Ed de Poliphile
Raymond
VI Le cathare de Dominique Baudis Ed Robert Lafon
Cathare
La contre enquête de A Brenon et JP de Tonnac Ed Albin Michel
Les cathares : La croisade contre le Languedoc « Historia spécial »
[1] Braie : Pantalon ample
[2] faydits : chevaliers et seigneurs languedociens qui se sont retrouvés dépossédés de leur fiefs et de leur terres.
Cliquez ci-dessous pour un retour vers