Mon mai 68 :

La vie ordinaire d'un ingénieur gréviste de Sud-Aviation

Quarante ans sont passés depuis le mouvement de mai 68, 1968 pour être plus précis. Je ne peux attendre plus longtemps pour écrire mes souvenirs sur cette période. 

Les étudiants manifestent.

Ce mouvement a débuté le 21 mars de cette même année par des manifestations des étudiants dont j’ai suivi les péripéties avec un certain détachement. 

Les ouvriers prennent le relais

Mon mai 68 a vraiment débuté en mai. lorsque a lieu à l’usine Sud-Aviation de Bouguenais près de Nantes la première occupation d'usine en France, le 14 mai 1968. Ci-dessous l'affiche de l'époque :

L’occasion était bonne de manifester, car en février 1968, la direction de Sud-Aviation avait annoncé une réduction d’horaires sans compensation intégrale de salaire. D'autres occupations d'usines et grèves vont suivre aux usines Renault du Mans ou encore dans les chantiers navals de Saint-Nazaire par exemple. J’étais alors adhérent du syndicat Force Ouvrière dans la section cadre. Les syndicats font tout d’abord séparément des assemblées générales, mais rapidement les trois organisations CGT, FO et CFDT se rassemblent. Les cadres de ces mêmes syndicats sont très vite dans le mouvement. L’occupation des usines est décidée le lundi 20 mai. Aussitôt la direction de l’établissement de Toulouse dirigée par Bernard Dufour réagit et demande par lettre au personnel de ne pas se rendre sur leur lieu de travail  : cliquez sur " lettre de la direction ".  L’usine est occupée, des cartes individuelles qui identifient les grévistes sont réalisées et doivent être présentés à chaque entrée et sortie de l’usine. (J’ai malheureusement égaré la mienne, mais ne désespère pas de la retrouver). Des tours de gardes sont institués pour le jour et également la nuit, auxquels j’ai bien sûr participé. Nous faisions la garde une partie de la nuit et le reste du temps nous dormions dans les bureaux sur des lits de camp prêts à intervenir en cas d’alerte. La manifestation importante de cette période fut l’assemblées générale des cadres en grève du 27 mai au cours de laquelle des revendications étaient demandée à la direction : cliquez sur " assemblée générale " et une motion était adoptée lors de cette assemblée cliquez sur motion .

Les accords de Grenelle*

 Le même jour à Paris, après un week-end marathon, sont signés entre le gouvernement d'un côté, la CGT et la CFDT de l'autre, les “accords de Grenelle” qui se traduisent par :

- Relèvement du SMIG de 35 %, ce qui le portait de 2,22F à 3 F Généralisation du SMIG à toute la France (le SMIC n'existait pas encore - il sera institué en 1970 -. Le minimum était le SMIG, Salaire Minimum Interprofessionnel Garanti, basé et indexé sur l'indice des prix à la consommation, mais il ne s'appliquait pas partout en France, ni dans tous les secteurs d'activité).

- Hausse des salaires de 10 % en 7 mois  Extension des droits syndicaux  Reconnaissance de la section syndicale d'entreprise

- Accords de réduction du travail pour revenir progressivement aux 40 heures - Travaux sur le droit à la formation continue, (sanctionnés par l'accord de juillet 70 instaurant la formation professionnelle rémunérée).

Ces avantages étaient considérés par les plus conservateurs comme catastrophiques pour la France : L'économie ne pourrait supporter ces augmentations de salaires et ce serait la faillite. La suite a donné un puissant démenti à leur pessimisme.

* Le nom de Grenelle est tiré du lieu où se négocièrent les accords, au ministère du travail situé rue de Grenelle à Paris. Cet hôtel, construit à la fin du XVIII ème  siècle, est un ancien palais archiépiscopal. La « salle des Accords », ainsi nommée depuis lors, est une ancienne salle à manger dont le décor a été préservé.    

L'occupation continue

La grève ne s’arrête par pour autant. La direction envoie alors une lettre-circulaire aux syndicats qui n’apprécient pas et répondent en retour. La CGC confédération générale des cadre est désormais présente dans le comité central de grève : cliquez sur lettre à la direction. Le même jour un tract est distribué aux cadres de l’entreprise : cliquez sur tract . C’est le début des négociations. La reprise est dans l’air, mais dans les diverses usines les votes sont parfois très serrés. Le 14 juin, un mois après le début de l’occupation, c’est l’usine de Bouguenais, qui avait lancé le mouvement, qui est dernière a rentrer dans le rang.

Réunions internes

En plus des avantages donnés par les accords de Grenelles, très intéressants, nous avons obtenu une chose qui va vous paraître dérisoire : des réunions interne du service. Chaque mois, nous pouvions débattre de tous les sujets concernant de près ou de loin le service. Les conditions matérielles de travail, l'organisation du travail etc. aucun sujet n'était interdit, à l'exception des problèmes strictement personnels. Un cahier notait les actions à entreprendre suite à la réunion et un suivi de ces actions était noté jusqu'à la clôture du sujet. La conclusion n'était pas toujours positive, mais on avait eu l'occasion de discuter et de comprendre les tenants et aboutissants du sujet.

C'est dans cet ordre d'idée qu'on a pu dire : "Si en 1789, on a pris la Bastille, en mai 68, on a pris la parole."

Les à-cotés

Pendant cette période, les enseignants étaient aussi en grève et les enfants en vacances forcées. Comme je n'étais pas de garde tous les jours, j'ai profité un peu plus de mes enfants. L'après-midi nous allions à "notre campagne", un petit coin sur les bords de Garonne à la Croix Falgarde. La météo était très favorable et je garde un très bon souvenir de ces sorties.

 

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