Hélicostat  

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Prologue : Vous ne trouverez ce mot sur aucun dictionnaire courant. Pourtant, cet engin volant existe bien depuis qu’ Œhmichen l’a inventé et a réussi l’exploit de le faire voler. Il s’agit d’un aéronef allégé de type intermédiaire entre le ballon et l’hélicoptère. Œhmichen était centralien de la promotion 1908, je suis de la promotion 1960. Ce fut un hasard, mais il est remarquable qu’on fît appel à moi à l'Aérospatiale pour diriger l’équipe chargée de reprendre en les modernisant les études de mon illustre ancien. Avant de parler de mon projet, revenons à  Œhmichen

Étienne Œhmichen : Il est né à Chalon sur Marne (actuellement Chalon en Champagne), le 15 octobre 1884. Après l’École Centrale, il est employé par la Société Alsacienne de Construction Mécanique et par les Etablissements Peugeot. Tandis que le précurseur, l'argentin Raoul Pateras, marquis de Pescara, étudiait et réalisait en Espagne son fameux appareil à décollage vertical, l'ingénieur Étienne Œhmichen travaillait aux usines Peugeot de Valentigney, et construisait une série d'appareils qui ne manquent pas d'intérêt pratique et scientifique dans le domaine du vol vertical et de la stabilité d'espace. La solution proposée par Œhmichen pour la propulsion et la sustentation aéronautique était de type hybride moitié hélicoptère, moitié aérostat. L'inventeur l'appela « hélicostat ». Son premier vol date de 1921. Son engin de 336 kilogrammes comportait 2 hélices " sustentatrices " de 6,4m de diamètre, à deux branches à axes verticaux parallèles, écartés de 8,05 m, auxquelles il ajouta un ballon aérostat de 140 m3 fabriqué par Zodiac qui avait la fonction de stabiliser et d'alléger l'ensemble. Le 15 janvier, après avoir effectué tous les réglages nécessaires, l’appareil fut sorti au grand jour. Il effectua alors sept vols à une altitude oscillant de un à deux mètres. Le 28 janvier, il parvint, en présence de la direction du service technique, à se maintenir en l’air 40 secondes. Le 29 janvier, il atteint une altitude de plus de trois mètres et le 5 février, il réalise enfin les essais officiels. En 1923, conscient qu’il offrait une prise au vent trop importante, il supprima le ballon, pour étudier un nouveau dispositif. Avec ce modèle, qu'on peut déjà définir comme un hélicoptère, le 4 mai 1924, il effectue le premier vol en circuit fermé de 1 Km à Arbouans (où il sera enterré le 6 mai 1956). L'appareil était doté d'un moteur rotatif de 180 CV actionnant douze hélices qui étaient chargées d'assurer la sustentation, la stabilisation, la translation et la direction. Œhmichen accomplit environ 500 vols en lignes droites et en virages, et il s'immobilisa presque complètement dans l'air. Mais la sécurité n’était pas au rendez-vous : si, par exemple, une hélice s'arrêtait en plein vol, la catastrophe était inévitable. La stabilité de l'appareil par ailleurs était précaire et incertaine, et elle devait être continuellement corrigée par le pilote. À la suite de ces constatations, Œhmichen, revint à sa formule initiale d'hélicoptère dirigeable et en 1931, il expérimenta un véritable laboratoire volant de ce type. Avec le nouvel hélicostat, le pilote continua à travailler pendant quelques années, et en tira un grand nombre d'éléments et de renseignements utiles.

Ci-dessous une photographie de l'appareil du premier vol de 1921

Nouveau projet : En mars 1979, le centre technique du bois (CTB) a émis une fiche programme pour un appareil qui était destiné au débardage de bois en zone inaccessible. Le CTB souhaitait remplacer l’hélicoptère PUMA dont les coûts étaient élevés. À la suite d’une tempête, le problème se pose de récupérer les arbres abattus, mais la rentabilité doit être prise en compte. Laisser pourrir un arbre dans la forêt n’est pas sans conséquence, des coûts d’exploitation inférieurs devaient permettre de rentabiliser des débardages qui ne l’étaient pas.

La fiche programme définissait la mission type suivante : transport de 2 tonnes de bois sur une distance de 1500 mètres entre les altitudes de 1000 mètres et 1600 mètres. Sur cette mission type, l’objectif du CTB était un coût à la tonne débardée entre 105 et 130 F. L’appareil projeté pour répondre aux données précédentes est l’hélicostat AZ100 c'est-à-dire un aéronef allégé de type intermédiaire entre le ballon et l’hélicoptère (du type de celui conçu par Œmichen). Il se présentait sous forme d’une carène fuselée gonflée à l’hélium de 4000 m3 à laquelle était suspendue une poutre transversale destinée à supporter les installations motrices. Celles-ci, implantées à chaque extrémité de la poutre, se composaient d’une turbine Turboméca Ariel entraînant l’ensemble mécanique du rotor de l’hélicoptère Écureuil et l’hélice tractive par la prise de mouvement du rotor anti-couple. Une barre transversale interconnectait les deux installations motrices pour que la sécurité soit assurée en cas de panne de l’une d’elle. La cabine de pilotage était située sous la carène, à l’extrémité d’un mât articulé à la poutre transversale, et en arrière de cette poutre afin de donner une visibilité totale sur la charge en bout d’élingue. La liaison poutre-ballon se faisait par bielles et câbles avec rotules pour la liaison avec la poutre centrale et cardans pour la liaison avec les poutrelles latérales en extrémité de voiles du ballon. La carène était fuselée avec partie centrale cylindrique, comprenant trois lobes longitudinaux. Elle était réalisée par fuseaux longitudinaux assemblés par piqûre et soudure simultanées. Zodiac était chargé de l’étude et de la fabrication de cette carène. Cela vous paraît obscur, vous avez du mal à imaginer à quoi ça ressemble, le plan trois vues qui est donné ci-dessous va vous éclairer.

Les dimensions de l'engin, non lisibles sur le plan sont les suivantes, entre parenthèses celle de l'A380 : 

·         longueur : 37,60 M  (73 M)

·         hauteur : 15,50 M  (24,10 M)

·         envergure : 33,70 M  (79,80 M)

La masse à vide était donnée à 3200 Kg,  pour l'A380 : 276800 Kg.

Une comparaison des dimensions et de la masse nous montre bien qu'on avait bien un plus léger que l'air.

Une étude complète de faisabilité a été faite. La structure, les systèmes, les masses, l’aérodynamique, les performances, les qualités de vol, la manœuvrabilité ont été étudiés, ainsi que les coûts et l’évaluation économique. Un complément technique est donné en fin de chapitre pour les plus initiés. 

Conclusions de l'étude : Elles sont à voir en comparant les performances et la productivité de l’hélicostat  AZ100 et de l’hélicoptère PUMA. Le temps total de rotation pour la mission type était de 3,31 minutes pour le PUMA et juste un peu plus 3,61 minutes pour l’hélicostat. Pour le coût, le gain est nettement en faveur de l’hélicostat, environ 40 % pour le coût de prestation et 35 % pour le coût à la tonne débardée. La synthèse de faisabilité faisait remarquer que la charge de 2 tonnes de la fiche programme était la limite pour le PUMA, alors que cette charge représentait 74 % du maximum de l’hélicostat.

Déception : Je fondais de gros espoirs sur la suite qui serait donnée à cette affaire. Pourtant, on nous signifia qu’il n’y en aurait pas, car les risques techniques étaient trop grands. On ne nous donna pas plus de détail et ce fut une grande déception.

Restons positif : Pourtant, ce fut une belle aventure humaine, c'est-à-dire, d’après la définition du dictionnaire Hachette, un événement imprévu et extraordinaire. Imprévu parce que du jour au lendemain on fit appel à moi pour diriger ce projet. Extraordinaire, car notre équipe, pratiquement livrée à elle-même, a mené à bien la mission qu’on lui avait confiée. Je sais, ils me l’ont dit, tous les participants à cette aventure en ont gardé un souvenir impérissable.

Compléments techniques : Une étude complète de faisabilité a été faite par la société Zodiac pour ce qui concerne le ballon et par le bureau d’étude de l’Aérospatiale pour le reste de l’appareil. L’aspect financier (coût de développement et d’industrialisation) et l’évaluation économique se devaient d’être les plus crédibles possible. Pour cela, la définition de la structure et des systèmes a été faite de façon détaillée. Plus de 40 plans projets ont été réalisés par le bureau d’étude de l’Aérospatiale pour la structure et plus de 70 plans projets pour les systèmes et les aménagements cabine. De son côté la définition de la structure souple par Zodiac a nécessité 12 notes et 53 fiches et 4 notes et 17 fiches pour les systèmes aérostatiques (surpresseur, régulation, sécurité et amortisseur pneumatique cabine). Il était prévu de justifier la structure da la poutre transversale avant le premier vol par calcul et par essais statiques non destructifs. Le reste de la structure devair être justifié par calcul et par essai en vol. La motorisation, la propulsion et la plupart des systèmes (carburant, hydraulique, climatisation, génération électrique, contrôle de vol, éclairage, etc.) n’ont présenté aucune nouveauté par rapport à ce qui se fait sur les avions. Par contre, les commandes de vol ont fait l’objet d’une étude très détaillée, car la commande des deux rotors d’hélicoptère, des deux hélices et leur interaction était une première. D’autre part, ces éléments conditionnent les qualités de vol et la performance de l’appareil. En simplifiant, les commandes de vol au poste de pilotage sont celles de l’hélicoptère (manche de pas cyclique, manche de pas collectif et palonnier) avec en plus une poignée tournante installée sur le manche de pas cyclique. Les commandes de pas cyclique et de pas collectif sont mécaniques de type classique. Un vérin électrique intercalé sur les câbles de commande du pas collectif commande le roulis et le trim de roulis. Un boîtier électronique élabore le signal de commande du premier moteur de ce vérin prenant en compte les demandes de pas cyclique latéral, de pas collectif et de trim de roulis. En cas de panne, la commande s’effectue de façon manuelle directe sur le deuxième moteur du vérin. L’avancement et le lacet sont réalisés par variation du pas des hélices. Celle-ci est obtenue à l’aide d’un vérin électrique piloté par une servovalve pression à deux étages et commandé par un boîtier électronique. En cas de panne, la commande s’effectue de façon manuelle directe sur le deuxième enroulement des servovalves. L’aérodynamique a fait l’objet de nombreux calculs, avec notamment : la répartition de pression sur la carène (grâce à un calcul d’écoulement potentiel en fluide parfait pour des corps non portant mis au point à l’Aérospatiale), la définition et caractéristique des empennages, les coefficients statiques globaux de la carène seule, la pénétration de la carène dans une rafale et les coefficients des autres éléments et éléments de traînées. Basée sur les résultats de l’étude aérodynamique, les qualités de vol ont pu être évaluées et ont conduit à des résultats favorables. Ont été particulièrement étudiés : les effets aérodynamiques et inertiels s’exerçant sur l’appareil lège et en charge, l’équilibre statique longitudinal et latéral et les mouvements longitudinaux et latéraux (en tenant compte du mouvement relatif de la charge suspendue). Enfin, concernant la manœuvrabilité, point crucial de cet appareil, on a étudié :

- La manœuvre de roulis et la défense latérale avec un vent de travers de 15 nœuds, dans les conditions altitude zéro et 2000 mètres, en lège et en charge.

- La manœuvre de lacet en lège et en charge.

- La manœuvre verticale sur un et deux moteurs.

- Les vitesses de translation maximales vers l’avant et vers l’arrière.

Les résultats se sont avérés acceptables et compatibles avec la mission.

Plan trois vues de l'appareil :

 

Croquis de l'appareil (auteur inconnu) :

 

     

 

 

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