On pourrait écrire un roman sur le thème de l’égalité, tant il est varié. Je m’attacherai à écrire quelques lignes sur une égalité qui me tient à cœur :
L’égalité des chances.
Mes ancêtres GAU
Aussi loin que j’ai pu remonter, tous mes ancêtres GAU étaient des paysans de basse condition. De religion réformée, ils avaient pour certains appris à lire tant bien que mal le français, afin de pouvoir parcourir la bible, mais c’était tout. Ils étaient illettrés, mais étaient-ils pour autant inintelligents ?
La paysannerie
De tout temps la paysannerie était effectivement considérée comme moins que rien. Mais, c'est surtout au XIXe siècle que dans tout le pays, la paysannerie va être l’objet de descriptions désobligeantes voire de quolibets. Voici un échantillon de ce qui a été écrit à leur sujet (déjà donné dans mon deuxième livre).
-
En 1822, dans la Haute-Vienne, voilà ce qu’écrit un notaire : « L’habitant
de la campagne porte dans tous ses traits l’aspect de la tristesse et de la
souffrance. Son regard est incertain, timide, sa physionomie sans expression,
son allure lente et embarrassée, ses longs cheveux qui tombent sur ses épaules
lui donnent quelque chose de sombre ».
-
En 1831, le préfet de l’Ariège déclare que la population de ses vallées
pyrénéennes est « aussi sauvage et aussi brutale que les ours qu’elle
élève ».
-
En 1840, un officier d’état-major constate que les Morvandiaux de Fours
« poussent des hurlements aussi sauvages que ceux des bêtes ».
- En 1865, une propriétaire terrienne limousine emploie des termes assez semblables à ceux utilisés par La Bruyère deux cents ans auparavant, « Ces animaux à deux pieds qui ressemblent à peine à des hommes. Ses vêtements (du paysan) sont sordides ; sous sa peau épaisse et tannée, on ne voit pas le sang circuler. Le regard sauvage et morne ne trahit pas le mouvement d’une idée dans le cerveau de cet être atrophié moralement et physiquement ».
En 1880, en Bretagne, un préfet écrit que les enfants qui rentrent de l’école « sont comme ceux des pays où la civilisation n’a pas pénétré : sauvages, sales, ne comprenant pas un mot de la langue »
Sous le règne de Louis XIII, sans prétendre fréquenter les cercles littéraires, comme celui de Madame des Loges (protestante) ou de Madame d’Auchy (catholique), mon ancêtre Isaac GAU aurait pu avoir un minimum d’éducation. Cela lui aurait peut-être permis, comme le fit mon père plus tard, de sortir de sa condition misérable de paysan, ou tout au moins d’avoir de la part de ses contemporains un peu plus de considération.
Jules François Camille Ferry.
Ce grand homme d'État et la gauche républicaine (dont il fut le président à partir de 1879) est à l'origine des lois de 1881-1882. Par ces lois, la gratuité, la laïcité et l’obligation de l’enseignement primaire sont établies et les écoles normales primaires chargées de former les instituteurs sont créées. Jusqu'à mon arrière grand-père, dans tous les actes notariés concernant mes ascendants Gau , leur signature n'est pas présente, mais seulement la mention : A dit ne pas savoir. Mon arrière grand-père le faisait maladroitement, mais il apposait son paraphe. Mon grand-père louis GAU, né en 1865, fut le premier à bénéficier de ces lois et apprit à lire et à écrire. Cela lui permit d'être conseiller municipal de Vabre et de participer activement aux délibérations. Ensuite mon père Jules (qui doit son prénom à Jules Ferry) fut le premier diplômé de ma branche GAU. Il eut le certificat d’étude primaire. Ses quatre sœurs aînées n'eurent pas le privilège de fréquenter l'école, c'était le sort réservé aux femmes à cette époque..
École républicaine
Dans la continuité de ces lois, j'ai pu faire des études supérieures, être ingénieur de l’École Centrale de Paris et à la fin de ma carrière être ingénieur en chef de l’avion Béluga à l’Aérospatiale. Je me considère comme un pur produit de l'école républicaine de Jules Ferry, Je ne serai jamais assez reconnaissant à Jules Ferry.
Retour à CHAPITRE E